Un futur sans nous

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Les articles concernant l’intelligence artificielle se multiplient. Ce sujet, grand pourvoyeur de titres étonnants (voire loufoques)1, est devenu « mainstream », au point de prendre tous les aspects d’une bulle.

Le Figaro nous oriente ainsi vers quelques-uns de ces chercheurs qui annoncent le grand remplacement de l’homme par sa créature artificielle2 :

Une nouvelle étude pointe, profession après profession, le nombre d’années restant aux humains avant que des intelligences artificielles soient en mesure de faire mieux qu’eux.

A ce sujet, souvenons-nous du surprenant cri de détresse poussé début 2015 par Elon Musk (Tesla), Stephen Hawking (physicien) et Bill Gates (Microsoft), excusez du peu, au sujet de l’intelligence artificielle3. En gros, si nous ne réagissons pas, nous sommes défaits par les machines. Et ce n’est pas une bande d’illuminés qui le prétend…

Réagissons ! On crée une organisation appelée « Future of Life Institute », dont Musk et Hawking sont membres. Au passage, Jaan Tallin, un « célèbre programmeur estonien », est l’un des cofondateurs de cette organisation, mais pas seulement. Il a aussi fondé le « Cambridge Centre for the Study of Existential Risk ». Il soutient également le « Future of Humanity Institute », le « Global Catastrophic Risk institute », le « Machine Intelligence Research Institute », etc. Les intitulés parlent d’eux-mêmes.

Sur le site du Future of Life Institute, on trouve cette sentence4 :

L’humanité contrôle désormais la planète. Ce n’est pas parce que nous sommes les plus forts, les plus rapides ou les plus grands, mais parce que nous sommes les plus intelligents [ smartest ].

Voilà donc l’épicentre du raisonnement, le syllogisme qui prévoit notre déclin futur : parce que les humains sont « intelligents »5, ils contrôlent tout leur environnement (quand on voit l’état de la planète, un doute nous saisit malgré tout…). Or les humains développent une IA qui est sur le point de les surpasser et donc… de contrôler la planète.

C’est évidemment douteux, quand bien même cette vision serait relayée par d’éminents personnages.

Mais surtout, ce syllogisme mène à une proposition à laquelle nous devrions être très attentifs : « certes, nous développons des techniques dangereuses, mais vous pouvez dormir tranquilles car nous en sommes tellement conscients que nous allons fournir en même temps… le futur qui va bien et l’éthique qui va avec »…

Mais qui veut de cet avenir « clés en main » ? De ce futur sans nous ?


1. Perrine Signoret pour l’Express – 13 juin 2017 – Une intelligence artificielle capable de détecter les pensées suicidaires
2. Elisa Braun pour Le Figaro – 13 juin 2017 – Selon des chercheurs, il ne reste que 45 ans aux humains avant d’être dépassés par les machines
3. Jean-Philippe Louis pour Les Echos – 30 janvier 2015 – Intelligence artificielle : pourquoi Musk, Hawking et Gates s’inquiètent
4. Future of Life Institute BENEFITS & RISKS OF ARTIFICIAL INTELLIGENCE
5. Clémenceau aurait été au moins d’accord avec eux sur ce point : « La souveraineté de la force brutale est en voie de disparaître et nous nous acheminons, non sans heurts, vers la souveraineté de l’intelligence ».

3 Responses

  1. joel Brugalieres dit :

    Article intéressant et bien tourné, merci. On voit bien l’impuissance et la déraison ambiantes. A ce sujet, j’aurais bien aimé un chapitre de plus à la fin pour détailler l’ambigüité..

    • AB dit :

      Merci pour ce commentaire ! Il manque effectivement… un livre entier !
      Car si nous commençons tout juste à comprendre, je vous dire « nous », « citoyens », ce qui nous arrive dans le domaine du numérique, dans le domaine de l’IA il y a une longue remontée « pédagogique » à faire ensemble (moi tout seul, ça risque d’être un peu juste). Nous sommes encore loin de comprendre ce que l’on nous propose… Or comprendre c’est la première étape pour formuler un « oui », un « non » ou un « peut-être ».
      Bref, cette brève constitue une ouverture possible du sujet mais elle tout à fait insuffisante. A suivre, donc…

  1. 6 novembre 2023

    […] Il faut enfin rappeler la posture de Jacques Ellul, qu’il qualifie lui-même de « dialectique », pour comprendre qu’il élucide le concept de système technicien en tant que sociologue (marxologue) pour le surplomber en tant que chrétien. Son questionnement intime est d’ordre moral et, pour un homme de foi, l’ordre moral ne peut pas provenir du système qu’il est censé réguler (nous sommes d’accord – voir à ce sujet Un futur sans nous). […]

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